dimanche 31 mai 2009

Postmodernes, go home

S'il est bien un courant de pensée qui domine aujourd'hui la science fiction moderne c'est bien le postmodernisme. Il n'a en effet jamais été aussi question de rupture du genre avec lui même (cette position était soutenu par Norman Spinrad lors d'Utopia 98) ou de sa déconstruction.
Postmoderne la problématique de post humanité l'est assurément. Au lieu de se contenter d'être seulement une modernisation de la problématique du mutant elle va beaucoup plus loin : l'humanité se modifie elle même par une science sans conscience. Quand on sait qu'aux USA les think tanks conservateurs considèrent la post humanité comme un progrès nécessaire on se dit que les auteurs qui traitent de cette question considèrent comme un fait que la domination des conservateurs sur l'humanité est une chose acquise ( position à laquelle la victoire d'Obama vient pourtant d'infliger un énorme camouflet). C'est la fin de l'histoire mais aussi la fin de l'éthique : la science perd sa conscience et le scientifique n'a plus de déontologie. Rupture avec l'histoire, rupture avec l'éthique mais aussi rupture avec l'humanité elle même. La singularité vient nous dire que l'humanité ne peut que s'être modifiée grâce à la technologie et ne peut être devenu qu'un ensemble d'entités incompréhensibles.
Et l'on peut même aller jusqu'à la transformation de l'homme en entités désincarnées. Mais c'est une grande partie de la SF depuis le début des années 80 qui invite à l'apocalypse des corps : corps mutilés de KW Jeter, corps modifiés par des implants ou des prothèses des cyberpunks. De ces corps maltraités, l'on arrive au corps nié. Comme si pour combattre une société des apparences où le corps est devenu une valeur dominante assez malsaine la seule solution était de torturer ou d'éliminer le corps de la fiction.
Rupture aussi avec la littérature. De Grégory Benford à Greg Egan la hard science préfère se focaliser sur le scientifiquement exact en sacrifiant la narration. Benford n'a de cesse d'introduire des schémas, des équations ou des diagrammes pas toujours compréhensibles par ceux qui n'ont pas une culture scientifique de haut niveau : il y a comme un refus de vulgariser considérant que ceux qui ne comprennent pas sont des demeurés. Egan lui fait des constructions complexes articulant métaphysique et sciences dures. La problématique savante prédomine et les éléments narratifs sont sacrifiés rendant le texte illisible. Parfois même comme dans sa nouvelle Océanique, l'intrigue n'est seulement qu'un prétexte à présenter cette problématique mais l'on reste dans un premier degré, et l'intérêt est bien vite dilué par l'ennui. Chez William Gibson c'est le style haché et le registre de langue argotique et l'utilisation d'expérimentations comme le cut up qui viennent combattre le récit traditionnel comme s'il était devenu obsolète.
Quand ce n'est pas la rupture c'est la déconstruction. Le nouveau space opera vient déconstruire ce sous genre. Chez Reynolds les voyages dans l'espace prennent plusieurs années. Résultat : l'espace n'est plus le lieu anthropologique du space opera traditionnel qui était une littérature du lien social. Ici on nous montre l'espace comme un lieu de solitude, de dépression. On a comme l'impression que des auteurs comme Reynolds ou Schroeder considèrent le liens social de manière négative et pensent qu'il est à la source de tous les malheurs de l'humanité. Il en résulte un littérature dépressive aux antipode de l'humanisme qui semble pour les postmodernes l'idéologie à abattre.
Pourtant il existe un espoir. De jeunes auteurs écrivent aujourd'hui une SF différente : Elisabeth Bear, Liz Williams ou Jay Lake. Curieusement ils ne sont pas traduits en français. Et pourtant c'est cette avant garde qui présente l'avenir de la SF. C'est avec les éditeurs comme Andrew Cox ou John Klima qui défendent la littérarité de genre qu'est l'avenir. C'est aussi tous ceux qui considèrent que l'avenir du genre passe par son passé (et ce n'est pas le moindre des paradoxes) qui contribuent à construire une nouvelle science fiction.

vendredi 29 mai 2009

Univers d'Outremonde 8

Ce huitième numéro est sans contestation, sous le signe de la mythologie.
C'est de mythologie que parle Philippe Déniel (un auteur trop rare) dans Tel père tel fil où il nous présente une version fort peu orthodoxe du mythe d'Oedipe. La mythologie est également à l'honneur dans Le Casting de Sophie Dabat. Cette fois ci c'est Héraklès qui est la guest star du texte. Le fils de Zeus en effet postule dans une agence artistique où l'on recrute des humains à super pouvoirs. Mythologie encore dans Mor An du mystérieux E-Traym qui nous parle d'immortels dans un futur lointain dans une ambiance surréaliste. Les réminiscences des mythes sont présentes encore dans la Belle et le chaos d'Henri Bé, qui reprend le thème classique des super pouvoirs liés ici à la drogue.
Mais tous les textes ne sont pas placés sous ce signe. Nous avons aussi le totalement fou, Ne pas déranger de Michael Rochoy, variation totalement ovniesque (et burlesque) sur le thème du vampire. Ce numéro se termine avec Nanobots de Nicolas Vilain où se cotoient nanotechnologie et taouage mais qui péche par une fin un peu trop obscure.
On pouvait avoir peur après la déception du précédent numéro. Outremonde nous rassure donc avec ce huitième opus placé encore une fois sous le signe de l'imaginaire et de la littérature. La plupart des textes sont d'un très bon niveau. Il n'y a vraiment rien à jeter ici. Continuez le combat les gars, et longue vie à Outremonde.

jeudi 21 mai 2009

Les Mensonges de Locke Lamora de Scott Lynch

Locke Lamora est sans doute le meilleurs voleur de Camorr. Et avec sa bande les Salauds Gentilhommes il écume les rues de la ville. Mais ce n'est pas un voleur ordinaire, c'est un artiste de l'escroquerie. Locke et ses amis montent une de leurs arnaques insensée pendant qu'un étrange personnage, le Roi Gris, s'attaque à la pègre de Camorr et semble vouloir toucher le Capa Barsavi, chef de la pègre. Locke finit par être impliqué dans cette guerre où il ne veut pourtant pas prendre parti.
Ce roman est une véritable histoire de cape et d'épée : la prose d'Alexandre Dumas rejoint l'esthétique et la création d'univers d'un Jack Vance. Les personnages truculents sont une véritable réussite. L'action est bien menée et la ville est sans aucun doute le deuxième personnage du roman. L'ambiance vénitienne dix septième est une bouffée d'oxygène dans la fantasy dominée par les univers médiévaux. Bref c'est indispensable.