mardi 3 mai 2011

Les espoirs de l'imaginaire : Jean Luc Théodora

1 Peux tu te présenter en quelques mots ?

Marié, deux enfants, la quarantaine, j’enseigne l’histoire géographie dans un établissement privé. Originaire de la réunion, j’y suis très vite retourné après des études en métropole.

2 Comment as tu débuté dans l'écriture ?

Cela a été un processus assez long. En effet je ne me destinais absolument pas à l’écriture. Mon truc c’était plutôt le dessin et ce très tôt. Tout gamin je remplissais déjà des cahiers de brouillon en mettant en scène des personnages aussi hétéroclites que Zembla, Tarzan, Blek le Roc ou Davy Crockett. La première fois que j’ai tenté l’expérience de l’écriture c’était en terminale, après avoir lu « un pont de cendres » de Roger Zelazny. Par la suite, j’ai continué un peu en maths sup, cela me permettait de décompresser. Mais, le véritable passage à la mise sur papier d’idées s’est fait avec les jeux de rôle. D’abord joueur, je suis très vite passé de l’autre coté du paravent et me suis mis à créer mes propres scénarios, principalement pour ad&d, mais aussi pour Stormbringer ou jrtm. Le second déclic, je le dois à un enseignant lors de mon deug de communication. Il fallait écrire une histoire autour de la dualité leader/dealer. Le prof m’a encouragé à persister dans cette voie ; il avait bien accroché à mon texte. Et puis, il y a eu internet ! j’ai notamment découvert le site Une Autre Terre, qui développait un concept , entre autres, d’écriture à plusieurs mains. L’une de ces expériences a été publiée à l’initiative de Pierre Gévart l’année dernière, sous le titre de Pour un autre Temps.


3 Tu vis à la Réunion. A ton avis est ce que cet éloignement du fandom et de l'édition professionnelle est un obstacle pour être publié ?

j’aurais envie de dire oui, bien que aujourd’hui internet ouvre énormément de possibilités. En effet, l’éloignement géographique tend malheureusement à isoler. On a peu de contacts avec les autres et il est extrêmement difficile d’assister aux événements, et ce d’autant plus qu’il est difficile de se tenir au courant. Rien que la semaine dernière, il y avait une conférence sur le thème de l’uchronie a la Réunion ; je l’ai su trop tard, tant les réseaux d’écriture fonctionnent mal ici, chacun fonctionnant en cercle fermé, convaincu de son isolement.


4 Tes deux thèmes de prédilection sont la métamorphose et le jeu d'échec cosmique. Qu'est ce qui t'attire dans ces sujets ?

il est vrai que le thème de la métamorphose est déjà présent dans « le réveil de Skell » ainsi que de manière diffuse dans les contes de la Rousse. On touche ici au mystère , à l’inconnu, souvent à la part d’ombre qui se cache en chacun. Lorsqu’on se transforme c’est souvent sous pression et on lâche la bride, on se libère des conventions et des inhibitions. Outre le fait que ce thème favorise les excès (le Hulk cannibale et nécrophage des Ultimates en est un parfait exemple), il permet de mettre en scène des personnages complexes qui vivent leur condition comme une fatalité (le loup-garou classique ne décide pas son changement d’état, c’est la lune la seule fautive) , mais aussi sont déculpabilisés par là même.
Le thème de l’échec cosmique est certainement une conséquence d’un certain nombre de lectures : Elric le nécromancien, les héros zelazniens en général (Jack des ombres, Shimbo de la tour de l’arbre noir, Corwin d’ambre, et j’en passe). C’est à chaque fois la mise en scène de personnages tous plus dantesques et torturés les uns que les autres, dont la moindre décision prend des proportions titanesques. Hamilton aussi conjugue ce type de personnages à la sauce space-opera ! et là, c’est l’univers qui joue sa chemise.
Cela donne des récits animés, et les pauses philosophiques ne sont que de brefs intermèdes.

5 Peux tu nous présenter ton cycle de nouvelles de fantasy les Contes de la Rousse ?

alors que j’étais sur l’écriture du réveil de Skell, visible sur le site anice fiction, un ami qui me faisait le plaisir de me lire m’a fait remarquer que tous mes personnages étaient masculins. J’ai alors écrit « soleil d’ombre ». j’ai présenté la nouvelle à l’un des premiers concours de actu SF et me suis hissé parmi les premiers. Mais, j’étais resté sur ma faim et me suis mis à imaginer la suite, sur laquelle je travaille actuellement.
L’histoire tourne dans la première partie du cycle autour de la figure d'une héritière transformée en assassin, dans un monde où la magie est assez diffuse (on n’en prend pas vraiment connaissance même si on sent qu’elle st là).
Autre particularité, le récit se fait à la première personne et au présent. Cela me permet d’insuffler une certaine nervosité et de me concentrer sur les actes et les pensées du seul personnage principal. La difficulté est d’user des observations de l’héroïne ce qui permet au lecteur d’extrapoler ce qui se passe, notamment concernant les autres antagonistes qu’on ne connait qu’à travers les dialogues et le regard du personnage central. C’est surement le récit le plus abouti que j’ai pu livrer jusqu’à maintenant, si on excepte la nouvelle « figures » (dans arcanes).

6 Tu es aussi l'auteur d'un roman de fantasy d'inspiration slave, le Réveil de Skell. Peux tu nous le présenter rapidement ?
C’est ma première tentative d’écrire quelque chose sur la durée. La rédaction a été assez rapide, un ami lisait les chapitres au rythme de leur écriture. Mais, c’est une œuvre de jeunesse dont la structure est bancale avec de vrais problèmes de rythme. J’ai pensé à la retravailler, mais la tâche me semble très compliquée de par toutes les erreurs qui émaillent la rédaction, même si certaines idées pourraient servir de point de départ à d’autres récits.

7 Quels sont tes autres projets littéraires ?
Pour l’immédiat je pense à terminer les contes de la Rousse puis à reprendre certains personnages du réveil de Skell afin de développer des histoires complètes autour d’eux. Je pense notamment à Erwin ou mieux à Wrymtraël.
Et puis, il y a pas mal d’appels à texte que je trouve sympathiques.
De fait, je tentais de préparer l’agrégation et cela me prenait trop de temps. Je pense abandonner ce projet pour me recentrer sur l’écriture, car je ressens un vrai manque niveau créativité en ce moment.

lundi 2 mai 2011

Convergence et divergence

Les deux rédacteurs en chef d'Angle Mort s'expriment dans l'édito du numéro 3. Ils revendiquent le décalage dont j'avais parlé ici entre les fiction anglo saxonnes et francophones. Passons sur certaines contre vérités : par exemple ils nous disent que les webzines et podcasts publiant des fictions francophones sont pratiquement inexistant : ils n'ont sans doute jamais entendu parler de Outremonde, Mots & Légendes, Phénix spécial, Azimut, Nuits d'Almor et trois ou quatre autres. De plus en plus de jeunes auteurs ont des blogs. Il existe bien une communauté qui se structure autour de Cocyclics, des Chantiers Imaginaires et qui se développent. Il y a depuis environ trois ou quatre ans un souffle nouveau, des petits éditeurs avec chacun leur identité - Voy'el, Ad Astra, Critic, Asgard, Argemmios, Asgard / Lokomodo, le Riez et plus récemment l'Homme sans nom sans oublier Rivière BLanche qui fait figure de vétéran dans ce paysage. Bref le constat fait ici aurait put être fait en 2008 mais en 2011 les choses ont changé et n'en finissent pas d'évoluer, de bouger.
Mais revenons sur le point de la divergence. Privilégier des textes francophones extrêmement littéraire en sacrifiant parfois leur appartenance au genre qui sera plus que ténue et des textes anglo saxons coeur de cible ce n'est pas tenable. Il faut au contraire aller dans le sens de la convergence. Publier des auteurs francophones coeur de cible. Je préfère lire des textes parfois moins littéraire au sens français ( travail sur le style) et avec une narration plus dynamique et surtout des univers, des images originales, des concepts. Cela on le trouve dans les fanzines et webzines que Laurent Queyssy et Arkady Knight ne doivent pas connaître. Ils ne se souviennent sans doute pas d'un certain Alain Dorémieux qui avait ouvert les colonnes de fiction à des auteurs issus du fandom et le résultat avait largement surpris certains observateurs de l'époque par sa qualité et sa cohérence. Refuser cette démarche c'est précipiter les genres dans le postmodernisme si à la mode et qui détruit tout ce qu'il touche.