samedi 23 juillet 2011

L'univers est important

A force de considérer la SF comme une littérature d'idée on a oublié un fait fondamental : l'univers est important. L'univers n'est pas uniquement là pour être l'illustration d'un concept. C'est la cas par exemple dans Spin de Robert Charles Wilson. Tout le roman gravite autour de la membrane de Spin et finalement toutes les idées spéculatives découlent de la présence de celle ci. C'est quelque part une conception minimaliste de la SF.
Qu'est ce qu'un univers. Il s'agit d'un réseau d'éléments figuratifs et thématiques assemblés de manière cohérente. Donc un univers c'est un réseau de concepts et d'images mentales reliés les uns aux autres. Dans ce texte - réseau les concepts ne sont pas là pour être une tête de pont qui conditionne tout le reste. Ils sont au service du récit et surtout au service de cet univers. Les éléments figuratifs vont être les éléments matériels du récits et les éléments thématiques des éléments abstraits. On comprend très vite que les éléments figuratifs sont des noeuds du réseaux et les éléments abstraits sont au contraire le liant qui permet d'amener la cohérence. L'idée, le concept si vous préférer, vont se situer à ce deuxième niveau. Ce bel et bien les éléments figuratifs qui mènent le bal. Les éléments figuratifs vont bien sûr comprendre tous les jouets du genre customisés avec plus ou moins de talent par les auteurs. Mais également la traduction fictionnelle de toutes les images mentales que l'auteur a voulu y mettre. Et l'on comprend bien que si l'on arrive à un réseau d'objets de fiction important et bien il n'y aura pas qu'une seule idées mais bien plusieurs qui figureront dans les éléments thématiques qui apporteront du liant au texte. Le problème c'est que le niveau des idées ne sera pas forcément le niveau du contenu et les niveau des images celui de l'expression. De nombreuses images appartiendront au contenu et certains concepts seront de l'expression. On peut très bien avoir des images qui sont le moteur du texte comme chez Serge Brussolo chez qui les concepts découlent toujours d'éléments figuratifs extrêmes. Ce n'est certainement pas le seul auteur à l'avoir fait mais c'est certainement celui qui a poussé le plus loin le procédé.
L'univers est le coeur du récit de science fiction comme du récit de fantasy. C'est le point commun aux deux genres. C'est pour l'avoir oublié que la SF devient de moins en moins enthousiasmantes proposant des récits tournant autour d'un concept, ce qui pour une nouvelle peut très bien fonctionner mais qui sur un roman devient vite lourd. La SF finit ainsi par s'intellectualiser et essaye de trouver une légitimité par le développement des concepts en tournant le dos à cette notion d'univers qui a pourtant été importante dans la SF de l'âge d'or.

lundi 18 juillet 2011

Les espoir de l'imaginaire : Nicolas B Wulf

C'est au tour de Nicolas B Wulf de se prêter à l'exercice. Ce jeune auteur a comme beaucoup été révélé par ces deux piliers du fandom que sont Outremonde et Phenix Web Hors série.

1-Peux-tu te présenter en quelques lignes ?

Je suis originaire de Rouen, né à l’aube de l’année 1980. J’ai suivi un cursus scientifique, qui s’est orienté vers les terrifiants arcanes mathématiques au fil des années. Les disciplines littéraires m’ont toujours épaulé dans les moments délicats, mon amour des mots ayant été omniprésent.
Côté musique, beaucoup de metal, pas mal de classique avec une prédominance des compositeurs d’Europe de l’Est et un peu de chanson française. Pas d’instrument dont je puisse revendiquer une quelconque maîtrise, pas assez de patience pour cela.
Un chat qui louche à la maison.
Ah oui, et j’ai une sainte horreur du fromage !


2-Comment es-tu arrivé à l'écriture ?

Autant que je me souvienne, j’ai toujours eu le goût de raconter des histoires. D’abord par des bandes dessinées aux univers inspirés par les dessins animés qui ont bercé mon enfance.
Après des premiers essais de textes de SF inachevés, c’est en 3e que le virus de l’écriture commence véritablement à s’emparer de moi, quand ma prof de Grec me lance sur l’idée de rédiger une nouvelle de SF revisitant les douze travaux d’Héraclès. En découle mon premier texte achevé, et ma première publication, en épisodes dans le journal du collège.
S’enchaînent ensuite des textes d’horreur, tous à inachevés à l’exception de la nouvelle Le Purgatoire. J’ai alors 16 ans et je ne sais pas encore que pendant l’été qui suivra, je débuterai LE projet, celui qui n’a connu de conclusion (temporaire ?) que 14 années plus tard sous le titre La Larme Noire, mon unique roman achevé à ce jour.
Pourquoi avoir écrit cette histoire de fantasy ? Sûrement par frustration. J’avais terminé le Seigneur des Anneaux quelques mois plus tôt, avait regretté l’absence de dragon malgré le pied énorme que fut cette lecture. Autre lecture décisive : celle des deux trilogies fondatrices de l’univers Dragonlance. Là, il y avait du dragon à revendre, mais j’aurais souhaité que la psychologie de certains personnages soit encore approfondie. Ce furent mes deux pierres angulaires pour me lancer : du dragon et du personnage avec une psychologie très développée. Finalement, je n’aurais vraiment travaillé que celle d’un seul de mes personnages (rires).
Et puis, à partir du moment où j’ai commencé à partager mes récits (merci à ma tendre moitié qui m’y a très fortement incité) et que les lecteurs ont répondu présents, tout s’est enchaîné et le plaisir d’écrire a pris une nouvelle dimension.


3-J'avais bien aimé ta nouvelle Esprits Racines. Comptes-tu revenir dans cet univers mêlant fantasy médiévale et vaudou ?

C’est déjà fait ! Lors de l’été 2008, je me suis replongé dans cet univers pour écrire un « feuilleton de l’été » : Par-delà l’océan. Il prend place juste après les événements d’Esprits Racines et nous permet de suivre Nickolah Dothiriel dans les pas de son père, et même bien au-delà. Je me sens vraiment à l’aise dans ce mélange des genres et je me suis beaucoup attaché à mes personnages. Une relecture récente m’en a apporté la confirmation.
L’ensemble des deux textes a été publié fin juin 2011 chez Numerik Livres, éditeur 100% numérique, sous le titre Par-delà l’océan.
Et les aventures de la Dalvénia et de son équipage de pirates sont loin d’être terminées. Je vais d’ailleurs travailler sur leur suite durant l’été.


4-Ton principal projet concerne des textes de cyber fantasy. Peux-tu nous présenter cet univers. Comment le définirais-tu pour le distinguer de celui de la franchise Shadowrun ?

Comment pourrais-je définir ce genre que je cherche à aborder avec cet ensemble de textes ? C'est le croisement entre Tolkien et William Gibson, la réunion entre Glen Cook et Bruce Sterling. Un style à ma connaissance peu abordé dans l'Imaginaire. Hormis la série de romans basée sur l'univers du jeu de rôle Shadowrun, je ne vois pas vraiment de roman qui traite de ce mélange des genres. Faerie Hackers, de Johan Heliot, s'y essaie mais, si ce roman est fort agréable, il ne pousse pas suffisamment loin le concept.
L'aspect fondamental, est que l'univers que je développe est un prolongement futuriste du nôtre, où les créatures fantastiques sont revenues à la vie, même si elles n'ont jamais vraiment disparu, et où la magie a fait sa réapparition, même si elle aussi n'a jamais vraiment disparu...
Je l’envisage comme une fusion de divers genres littéraires : la fantasy et le cyberpunk bien sûr, mais aussi le polar et le thriller, à la sauce SF.

Il me reste cependant beaucoup de travail à abattre pour définir un univers complet et cohérent, exploitable dans le cadre d’un roman. Pour le moment, ce sont des nouvelles qui vont m’aider à l’explorer et à en affiner quelques aspects.

Pour le comparer à celui de Shadowrun, je dois reconnaître que c’est difficile. Je maîtrise mal cet univers, ma connaissance se limitant à une ou deux parties du jeu de rôle et à la lecture d’une poignée de romans. Je pense que les deux univers doivent reposer sur des bases assez proches. C’est plus dans les récits eux-mêmes que se situera la différence. Shadowrun propose, dans la lignée du jeu de rôle, de suivre des indépendants en quête de missions pour pouvoir survivre (toujours très temporairement) financièrement dans la jungle urbaine. Du moins, c’est comme ça que j’ai vu cet univers. Il reste par cet aspect une source d’inspiration. Mais finalement, ce sont plus les jeux publiés par Casus Belli sous le système SimulacreS qui m’ont servi de base (Cyber Age bien sûr, mais aussi Capitaine Vaudou et même SangDragon).
Mes personnages, s’ils peuvent s’approcher par moment de ceux mis en action dans Shadowrun, ne seront que très peu dans des situations de mission commanditée, ou alors en tant que situation initiale, flashback ou intrigue secondaire. J’aimerais que cet aspect ne soit jamais au centre de mes récits.


5-Tu as également un projet de poème épique concernant un troll. Peux-tu nous parler de ce projet un peu fou ?

Il s’agit de La Geste de Klarg le Troll. J’ai eu un beau jour de janvier 2006 l'idée d'un cycle de poèmes mettant en scène Klarg le Troll, créature peureuse et chétive au destin étonnamment héroïque. L'ambiance que je voulais obtenir est celle d’une fantasy humoristique, sur toile poétique.
Les lecteurs se sont vite pris au jeu et moi aussi ! La première époque a duré 26 chants, et j’ai enchaîné sur une seconde période qui pour le moment stagne à 12 chants, mais qui en comprendra également 26 quand j’arriverai au terme.
Un projet d’édition numérique illustrée est en cours dans le cadre d’un hors-série du Codex Poeticus, mais c’est actuellement en stand by. Du coup je ne peux pas vraiment apporter de précision.


6-Quels sont tes autres projets littéraires ?

Je crois qu’il y en a déjà pas mal comme ça ! (rires)
Sérieusement, j’aimerais bien préparer un recueil de poèmes mêlant archives et inédits, autour d’une thématique SFFF. Et ces dernières semaines, l’envie de reprendre La Larme Noire avec une armée de bêta-lecteurs m’est revenue, alors que je partais dans l’idée que je ne pourrais rien en faire de plus. Par la même occasion, revenir en Noghaard pour faire revivre cet univers de fantasy me tente assez finalement…

lundi 11 juillet 2011

Les espoirs de l'imaginaire : Sébastien Ruche

Sébastien Ruche est connu pour avoir publié quelques nouvelles. On a notamment remarqué sa nouvelle Au large d'Ildeiade dans l'anthologie, De la Chair à l'acier.


1 - Peux tu te présenter en quelques mots ?
J'ai trente ans, la plante des pieds sur terre et la caboche dans les étoiles... J'écris des histoires aussi bien que des musiques et j'entremêle parfois les deux. Les passerelles entre les arts me motivent énormément. En écriture, j'évolue principalement dans le style fantastique, avec des passages en science fiction, polar noir, etc. En musique, j'expérimente la folk au sein de mon projet Eres Sound.

2- Comment es tu venu à l'écriture ?
J'ai découvert le goût des mots vers 12 ans en même temps que le réel plaisir de lecture, mais j'avais dix huit ans lorsque l'averse m'est vraiment tombée dessus. Je me suis dit que lire des histoires, c'était bien, mais que les écrire serait mieux. Je voulais passer de l'autre côté du miroir. Dans la foulée, j'ai écris ma première nouvelle. Dans le genre fantastique, bourrée de défauts et de clichés, sans aucun style personnel... Mais la machine était lancée. J'avais trouvé un moyen de canaliser le flux incessant d'images étranges qui traversaient ma tête... L'année suivante, je me suis retrouvé au sommet d'une colline rougeâtre semi désertique, quelque part en Aveyron. J'ai poussé un peu plus loin l'expérimentation. Je n'ai jamais cessé d'écrire depuis...

3- J'avais adoré " Au large d'Ildeiade". As tu l'intention d'écrire d'autres nouvelles dans des ambiances aussi baroques, mêlant SF et fantasy ?
Content que « Au large d'Ildeïade » t'ai plu ! Il y aura probablement d'autres récits de ce style, mais je ne sais pas encore quand... Lorsque j'ai débuté cette nouvelle, je ne savais pas ce qu'elle deviendrait ni jusqu'où s'étendraient le décor et l'ambiance. La plupart du temps, je ne sais pas où vont me mener les histoires. Je ne réfléchis pas au genre en amont, je le constate simplement une fois l'histoire achevée... De même, je ne crée pas de scénario, sans quoi je perds tout plaisir d'écrire. Je préfère la spontanéité de la création, regarder mes personnages prendre vie et réagir aux obstacles qui se dressent devant eux. Si je sais déjà tout ce qui va se passer, je m'ennuie et cesse d'écrire.

4- Tu écris aussi bien en littérature adulte que jeunesse. N'as tu pas l'impression de te disperser ?
Pas du tout, au contraire ! A mes yeux, chaque exercice d'écriture est important et permet de s'améliorer. Les leçons que l'on tire de tel ou tel exercice peuvent être appliquées aux autres. Les expériences se nourrissent entre elles. Je ne crois pas que les frontières entre les styles soient hermétiques. Je crois même que c'est une nécessité, pour un écrivain, de tester différents types d'écriture. Cela permet de parfaire sa plume, de la sculpter sous différents angles. Personnellement, j'ai besoin d'écrire des choses différentes, sans quoi j'ai trop vite l'impression de tourner en rond...

5- Quels sont tes principaux projets d'écriture ?
J'ai plusieurs projets en cours et à venir. Je travaille actuellement sur le second jet d'un roman. J'espère l'avoir achevé pour la rentrée de septembre. En parallèle, je poursuis l'écriture de nouvelles. Je reste très attaché à cet exercice. Il me procure des pauses rafraîchissantes sur les projets de plus longue haleine. Enfin, je vais à nouveau collaborer avec l'excellente photographe plasticienne Marie Delagnes (http://www.mariedelagnes.com) pour un nouveau conte photographique, au croisement des univers de Tim Burton et d'Egar Poe. C'est un projet d'envergure dont les bases sont déjà jetées. Le rendu final (livre, version audio et exposition), devrait voir le jour en janvier 2013...

Diversité

Aujourd'hui dans la SF nord américaine on assiste dans la génération montante à une arrivée massive des auteurs issus des minorités. Qu'ils soient Afro - Américains ( NK Jemisin, Alaya Dawn Johnson, Karen Lord...), américains asiatiques ( Yoon Ha Lee, Eugie Foster, Tony Pi...), arabo américains ( Saladin Ahmed, Amal el Moktar, ahmed A khan...) ou encore hispaniques ( Mercurio D Rivera...). Il n'y a jamais eu autant d'auteurs issus des minorités qu'en ce début de 21 éme siècle.
Quand on regarde la SF française, on n'y trouve assez peu d'auteurs issus des minorités. Ils doivent se compter sur les doigts d'une seule main. Déjà les auteurs issus des Dom Tom ont du mal à percer. A une époque on parlait beaucoup du Néo Calédonien, Pascal Gonthier. Certains avaient même annoncé la publication d'un roman de cet auteur. Pourtant les auteurs issus de ce que l'on appelle pudiquement la diversité ont beaucoup à apporter aux littératures de l'imaginaire.