lundi 28 novembre 2011

Les espoirs de l'imaginaire : Vincent Corlaix

Cette fois ci c'est autour de Vincent Corlaix de se prêter à l'exercice :

1 Peux - tu te présenter en quelques mots ?
En deux mots : «Presque humain».
En développant un peu, j’ai 37 ans, je suis graphiste touche-à-tout et illustrateur j’ai-pas-le-temps. Je suis sur le bord (pour ne pas dire dans le milieu) du Mauvais Genre depuis mes 12 ans lorsque j’ai découvert Stephen King, Lovecraft et Tolkien, et depuis 1995 lorsque j’ai rencontré Olivier Gechter.

2 Comment es tu venu à l'écriture ?
J’écris depuis tout petit. Je crois que j’ai été touché par le virus de l’écriture lorsque j’ai reçu une machine à écrire lors d’un noel vers mes 12-13 ans. Je ne vais pas m’étaler sur cette période de ma production qui consistait essentiellement à imiter atrocement mes auteurs favoris.
J’ai eu ensuite une période de deux ou trois ans durant laquelle j’ai produit environs une centaine de poèmes. Je les ai encore tous et il est possible que certain parmis la quantité valent encore le coup d’être lu (j’ai quand même un ou deux sonnets corrects qu’un prof de français aurait voulu que je présente en concours).
Mes véritables débuts dans l’écriture ont eu lieu lorsque je suis monté à Paris faire mes études. J’y a rencontré d’un côté Yann Minh et de l’autre Olivier Gechter. Le premier m’a donné confiance en mon côté créatif, et l’autre m’a convaincu que je pouvais dépasser le stade du simple scénario de jeu de rôle et en faire de véritables histoires. Je crois d’ailleurs que la motivation était réciproque.
J’ai eu la chance d’avoir assez tôt deux nouvelles prises dans des fanzines (Végétarien dans Marmite & Micro-ondes et Mauvais Deal dans Est-ce F?), ce qui m’a convaincu qu’il était possible que je ne sois pas le seul lecteur satisfait de mes gribouillages.

3 Peux tu nous parler de ton projet de roman Agrave Rêve ?
Le titre est très provisoire. Je passe mon temps à me battre avec moi-même et mes bêta-lecteurs pour lui trouver un titre satisfaisant mais je ne l’ai pas encore.
Ce roman -s’il voit le jour- sera l’aboutissement de deux nouvelles maudites. L’une avait pour cadre l’univers inventé par Mathieu Gaborit et Guillaume Vincent dans le jeu de rôle «Ecryme, la geste des traverses». Trop longue pour être publiable en tant que nouvelle, trop courte pour être un roman, et même refusée à un concours parce que j’avais évité d’y joindre le mot de Mathieu m’autorisant l’utilisation de son monde, pour ne pas faire trop «hé, je connais Gaborit !». Bien mal m’en a prit, elle a été rejetée pour plagiat...
L’autre est une nouvelle plus courte se passant dans un univers victorien et tournant autours d’étranges navires volants. Celle-ci est maudite car elle a été écrite trois fois et perdu trois fois (crash de disque dur, perte des notes...)
Après des années d’abandon, Olivier Gechter et Jacques Fuentealba, chacun de leur côté et sans concertation m’ont convaicu que je devrais me lancer dans un roman. Télescoper ces deux histoires m’est alors apparu évident.
J’ai donc transposé (et énormément transformé) la longue nouvelle écrymienne dans un nouvel environnement; une terre recouverte d’une couche de sel sur laquelle une civilisation retournée à une ère semi-victorienne vit en tentant de se souvenir de son passé et tirer parti de ce fléau que sont les déserts de sel.
Il y a peu, je pensais toucher au but du premier jet, mais un rebondissement de dernière minute a fait enfler le sommaire de quelques dix à quinze nouveaux chapitres.

4a Tu as participé à l'anthologie Flammagorie où des auteurs devaient s'inspirer d'un morceau du compositeur contemporain Nicolas Lens pour écrire une nouvelle.
J’y ai participé et même plus, puisque j’en suis l’initiateur et avec Olivier j’ai été le co-anthologiste jusqu’à ce que Nathalie Dau en devienne l’éditeur.


4b La musique est elle une source d'inspiration régulière pour toi ? Fais tu partie de ces auteurs qui utilise un fonds musical pour travailler ?
C’est à la fois une source d’inspiration et un bouclier contre mon environnement pour me permettre de plonger dans mon écriture. J’essaye autant que possible que ce que j’écoute n’influence pas la trame de mon écriture. J’ai donc pour cela une sélection de musiques d’ambiance (folk, eléctro, ambiance, classique...) qui tournent au hasard dans ma boite à musique.
L’exercice qu’a été Flamma fut une exception (bien que j’ai déjà fait d’autres expérimentations poétiques) dont le résultat ont été très intéressants. Mais c’était un cas particulier dans le sens que la musique de Nicolas Lens a fonctionné comme un produit stupéfiant; elle était si envoûtante, si évocatrice que je devais écrire dessus. J’avoue qu’à cette heure, je n’ai pas encore trouvé une autre musique qui m’ait donné autant l’envie d’écrire quelque chose (exception faite du «Fire coming out of the monkey’s head» de Gorillaz que j’avais commencé à transformer en récit lovecraftien et que j’ai mis de côté pour le moment)

5 Quels sont tes autres projets littéraires ?
Actuellement, Je donne un coup de main à Jacques Fuentealba pour boucler un projet de blog de micro-nouvelles appelé «Microphémérides» (http://microphemerides.nootilus.com/); il s’agira d’un éphéméride proposant une micro-nouvelle par jour durant toute l’année 2012. Avec mon compère Olivier Gechter nous continuons à animer le Bulletin de l’Insondable (http://bulletin.nootilus.com/), un blog de micro-nouvelles et articles absurdes avec une dose non négligeable d’éléphants gris.
Pour le reste, je voudrais bien terminer mon roman, pour ensuite enchaîner sur un énorme projet (plus vieux que mon roman actuel) né de nombreuses discussions avec Olivier; un’univers de science-fiction assez vaste pour y écrire un gros roman de science-fiction, voire plus...

samedi 26 novembre 2011

Il n'y a pas de pire autiste....

La SF française à un problème. Il est des sujets qu'elle n'ose pas traiter et pourtant c'est ceux dont elle a besoin pour avancer. C'est vrai que très peu d'auteurs de SF dans les années 2000 ont traité le multiculturalisme, le rapport à l'autre, l'altérité, la lutte contre les fanatisme, le devoir de mémoire ou encore la laïcité. Pourtant dans une France gangrènée par le populisme et la montée des extrêmismes il me semble que c'est le moment où jamais de ressortir les métaphores que sont l'extraterrestre, le mutant ou le cyborg pour rédiger des textes à implications sociales fortes. En discutant avec Kevin Kiffer, récemment je me ssuis rendu compte que le futur de l'Europe n'avait jamais été vraiment envisagé sérieusement. Les deux seuls qui s'y sont essayés sont Roland C Wagner avec ces Futurs Mystères de Paris et Serge Lehman avec sont cycle de F.A.U.S.T.
Mais nous ne sommes pas les seuls à être autiste. La SF américaine des années 2000 n'a pas vraiment commis de grands romans pour condamner l'idéologie du choc des civilisations et imaginer des modes coexistences entre des sociétés différentes. Pire, il n'y a jamais eu autant de romans militaristes de durant cette décennies. Elle a aussi manqué de clairvoyance sur la question de la critique de la société de consommation contrairement à la Sf britannique qui elle a durant les vingt dernières années fait paraître un certain nombre de textes sur le sujet ( Maul de Tricia Sullivan, des romans de Peter Crowther ou de James Lovegrove).
Reste à savoir si cet état de fait est imputable aux auteurs ou aux éditeurs. Si l'on regarde dans la jeune génération de nouvellistes anglosaxons on se rend compte qu'il y a un retours aux thèmes anthropologiques, mais ce n'est pas vraiment le cas en roman où l'on semble bloqué encore un peu dans la période précédente.

mardi 15 novembre 2011

La SF française a l'éclat du métal

Dans les années 70 apparut un phénomène qui devait marquer de manière indélébile le paysage de l'imaginaire : Métal Hurlant. La revue consacrée à la bande dessinée réussit à imposer en quelques année une vision de la SF et Métal Hurlant devint une véritable marque de fabrique et même un état d'esprit. La revue réussit même à exporter son concept en Europe d'abord puis aux USA où apparut bientôt son équivalent local : Heavy Metal.
Dans le même temps la SF littéraire se débattait avec la nouvelle SF politique française. On remarque qu'il n'y a pas eu de vraie synergie avec le monde de l'édition. Personne n'eut la présence d'esprit de faire avec la littérature ce que Metal avait réussi avec la bande dessinée. Metal Hurlant c'était tout d'abord un imaginaire décomplexée servi par des scénaristes de grand talent comme Jodorowski ou Jean Pierre Dionnet et illustré par des Bilal, Moebius, Druillet, Caza, Arno, Jean Claude Gall.... Metal Hurlant osait l'heroic fantasy alors qu'une grande partie du fandom considérait le genre comme encore sulfureux. Metal Hurlant c'était aussi de grands récits de SF classique comme l'Incal ou les Naufragés du Temps. C'était des gens qui avait compris que la Sf était aussi une subculture et qui avait assumé les merveilleux jouets du genre. Mais c'était aussi des gens qui savaient être frondeurs, iconoclastes et subversifs. Ils avaient compris que l'aventure et l'action n'était pas antinomiques de la réflexion et que les deux premières pouvaient être au service de la troisième. Métal de par sa stature internationale c'était quasiment la SF française à l'étranger. Alors que l'on quittait la SF politique et que l'on louvoyait vers une SF extrêmement littéraire avec Limite, Métal gardait le cap d'une Sf résolument visuelle.
Les enfants de Metal Hurlant ont pris leur revanche après 1990. La nouvelle génération menée par Richard Canal, Serge Lehman, Laurent Genefort, Pierre Bordage et surtout Roland Wagner auxquels viendront s'ajouter bientôt Thomas Day, Johan Héliot ou Sylvie Denis, c'est une génération qui doit tout aux pionniers de Métal Hurlant. Ce sont ceux qui ont osé une SF décomplexée après les fièvres politiques et littératurantes. La SF redevenait enfin rock'n roll. Car c'est aussi ça l'esprit Métal Hurlant.
Le soufflet et retombé. Et aujourd'hui on aurait plus que jamais d'un état d'esprit comparable. Dans ces temps où l'on préfère évoquer la physique quantique, le transhumanisme ou la singularité, alors que les menaces des idéologies populistes et nationalistes commanderaient plutôt d'évoquer le multiculturalisme, la tolérance, de se demander comment éviter les chocs de civilisation, le tout avec les miroirs déformant que sont l'extra terrestre, le mutant ou le cyborg. Dans ces temps où l'on préfère enfoncer des portes ouvertes en disant que le réchauffement climatique c'est pas bien ou que l'ultralibéralisme c'est caca au lieu parler des solutions. Et l'on pourrait continuer ainsi des heures. La SF français n'est jamais aussi belle que lorsqu'elle a l'éclat du métal. Un métal hurlant bien sûr.

dimanche 6 novembre 2011

Outremonde N° 11

C'est cette fois ci la forêt qui est le thème à l'honneur de ce numéro. Et l'on peut dire que les auteurs se sont surpassés pour le traiter thème. Avec Bad Seed, Patrice Mora nous propose tout d'abord un texte de fantasy classique, prenant comme héros un personnage parfaitement détestable, mais la forêt est sans doute un adversaire d'une autre trempe. Viens ensuite le texte de Siléas, Comme la feuille au vent. Une nouvelle nous présentant un univers complètement fou réglés comme une horloge et où les humains négocient régulièrement avec la forêt pour accroître leur territoire. Mais bien sûr certains politiciens humains ont trouvé le moyen de tricher et la forêt va mal le prendre. Texte magnifiquement bien servi par une ambiance douce amére et dont le décor se rapproche du mouvement New Weird. Forestation de Serge Perrot est sans doute le texte le plus faible de l'ensemble. Enième variation sur le thème de l'invasion extraterrestre. Ici une invasion végétale. Toutefois il présente un certain nombre d'éléments assez bien vus. Avec Une saison mauve, Romuald Herbreteau nous entraîne dans les pas d'une famille vivant sur une planète étrange, où les chants des petits garçons servent à repousser les brumes mauves corrosives. On se croirait dans les meilleurs textes de Serge Brussolo. Romuald Herbreteau s'avère ici largement plus convaincant dans le registre de la SF qu'avec son texte fantastique du précédent opus. Didier Reboussin, avec l'Arbre aux Lunes imagine un système solaire où des planètes sont reliées entre elles par un arbre gigantesque. Un univers énormes donc mais vus sous l'angle quasi microcosmique, au travers de deux destins. Cet univers mériterait presque un roman. ( si l'auteur lit ces lignes qu'il y pense. Ce monde le mérite vraiment).
Enfin le numéro se clôt avec un texte de l'appel permanent, Après la pluie de Thomas Spock où les derniers instants d'un roi mourant sont l'occasion d'une réflexion sur la fuite du temps.
Avec ce numéro 11, Outremonde signe son meilleur numéro. Des textes qui sont tous d'une excellente qualité et qui ne dépareraient pas dans une revue professionnelle. Outremonde persiste et signe et n'en finit pas de s'améliorer et c'est une bonne chose.