lundi 31 janvier 2011

Les littératures de l'imaginaire comme langage

Tout d'abord il faut se mettre d'accord sur ce qu'est un langage. Il y a deux manières au moins de le définir.
 1 Un système de signes
 Depuis Saussure la langue est définie comme un système de signes. Chaque signe linguistique fait correspondre une image acoustique à un concept. Les sémioticiens qui ont élargi cette notion de système de signes à tous les autres langages eux font correspondre expression et contenu. Si nous disons que la SF et la fantasy font se rencontrer des images et des idées nous retombons globalement sur le fait que ces littératures sont un système de signes. Mais la sémiotique dit que toute forme littéraire est un langage donc un système de signes. Il est tentant de considérer le niveau des idées comme appartenant au contenu et le niveau des images comme appartenant à l'expression. Cela signifierait que les images sont là pour donner de la chair aux idées, que les images sont uniquement là pour illustrer les idées. Il est clair que cela va marcher dans bon nombre de cas mais pas dans tous. Parfois les idées ne vont pas être le moteur du texte, elles vont découler d'une ou de plusieurs images. Donc les choses ne sont pas aussi simples qu'elles le paraissent. De plus ces deux niveaux ne seront pas actualisés de la même manière dans tous les textes. Parfois le niveau spéculatifs (les idées) l'emportera sur le niveau imaginaire (les images), d'autres fois ce sera l'inverse. Nous aurons donc parfois une littérature spéculative, d'autres fois une littérature imaginaire. Donc il est très difficile de déterminer les littératures en tant que système de signes. 

 2 Un vocabulaire et une syntaxe 
Mais un langage peut être aussi défini par la rencontre d'un vocabulaire et d'un syntaxe. Le vocabulaire des genres de l'imaginaire ce sera la quincaillerie, ce que je définissais dans un précédent article comme des jouets. Si nous déterminons encore une fois avec les sémioticiens que ces jouets sont des actants, il nous reste à déterminer comment ces actants vont faire sens et donc définir une grammaire de l'imaginaire. Déjà ces actants ne sont pas des reflets de la réalité. Ils appartiennent à un contexte, une réalité fictionnelle. Ils forment un gigantesque réseau sémique qui va lui même occuper la place d'un véritable personnage. L'univers formera un super actant et jouera même parfois un rôle d'acteur principal du récit. Si nous détricottons ce réseau sémique, et prenons les éléments séparément, le sens est perdu. Ceci est relativement intéressant. Si nous nous souvenons que Roman Jakobson a défini la fonction poétique comme la rencontre entre un axe des sélections (on sélectionne un élément de vocabulaire) et une construction sur un axe des combinaisons, on se retrouve avec une littérature poétique. La SF et la fantasy sont donc très proche de la poésie par leur fonctionnement. C'est en effet cet univers défini comme super actant qui est lui même une gigantesque construction poétique. Nous pouvons en déduire que la Sf et la fantasy ne sont pas uniquement des genres mais des langages. Les vocabulaires sont différents mais la syntaxe est la même, ce qui permet l'existence d'une intersection entre ces deux genres nommées science fantasy.

lundi 24 janvier 2011

La SF abordée de manière peircienne.

Charles Sanders Peirce définit dans sa propre théorie sémiotique à la fin du dix neuvième siècle une triade. Nous aurons l'icone (signe par ressemblance avec l'objet), l'indice (signe symptomatique de la présence de l'objet) et le symbole (signe abstrait). Il se trouve que la science fiction est défini elle aussi par une triade. Nous aurons l'idée, l'image et l'univers. Essayons donc maintenant de mettre en correspondance ces deux systèmes.
Il serait tout à fait tentant de faire correspondre le symbole à l'idée. Après tout la critique moderne n'arrête pas de nous dire que la SF est une littérature d'idée. Mais ce n'est peut être pas si simple. Dans ce cas là l'image, incarnation figurative serait l'icône et l'univers serait l'indice. Mais ce serait, on s'en rend compte dévaloriser la notion d'univers si importante en SF. L'on sait que l'univers est un acteur majeur qui joue le rôle d'un véritable personnage dans le récit. Il y a par exemple le cas du livre univers. Dans ce type d'ouvrage de nombreux actants n'existent que par rapport à l'univers. C'est cet univers qui va leur attribuer un rôle. En dehors de cet univers ces éléments n'ont pas de réalité.
Nous nous rendons compte que l'idée tout aussi importante qu'elle soit ne peut tenir ce rôle.
Puisque l'image ne peut être que l'icône (vu le rapport entre icône et suite figurative nous n'avons aucun problème d'identification ici). L'idée ne peut donc être que l'indice. Un élément nécessaire mais non suffisant. L'idée sera un indice de l'appartenance au genre. Ainsi dans la phrase "quand j'avais atteint l'âge de mille kilomètre", nous rencontrons une idée spéculative : un monde ou l'âge des individus est mesuré à l'aide d'une unité spatiale. Ensuite on va découvrir que dans cet univers les gens vivent dans des trains. Cela va donner corps à plusieurs images mentales. Et enfin ces images et ces idées formeront un réseau d'objets à la fois figuratif et thématique qui constituera l'univers. l'univers en tant que somme des idées et des images et metteur en scène de leur cohérence formera donc le symbole. La notion d'univers n'est pas une notion abstraite, me direz vous. Mais l'univers n'existe qu'au travers des images et des idées. Il est leur cohésion et forme une trame qui elle donne le sens profond au récit de SF. L'univers est concret uniquement parcequ'il relie des éléments figuratifs. Il est bel et bien un objet abstrait puisqu'il n'est en fait qu'un réseau qui s'incarne grâce aux images. Il n'est là que pour les mettre en cohérence.
Nous en déduisons donc que dans un récit de SF l'univers est un metteur en scène des idées et des images. Que leur incarnation sémantique particulière seront définis par rapport à lui et l'on se rend compte qu'il est donc un élément indispensable conditionnant le sense of wonder, mais également la réalité du récit.

dimanche 23 janvier 2011

Conseils pour les amateurs de space opera sombres

On sait que la franchise Warhammer 40K dépasse largement dans son lectorat les pratiquants des divers jeux de figurines, de plateau ou de rôles de Games Workshop. Certains lecteurs s'y intéressent tout simplement parce qu'ils ont envie de lire des space opera sombres avec une ambiance gothique pesante. Or cette franchise n'en a pas le monopole. Je leur propose une liste qui leur permettra de passer à autre chose.

Romans
Jean Christophe Chaumette : le cycle du Neuvième Cercle. Ca tombe bien, il est en cours de réédition chez les éditions Voy'el. Les trois premiers tomes parus jadis au Fleuve Noir viennent d'être réédités. Mais Voy'el prévoit aussi plusieurs inédits à la suite.

David Gunn : Les Aux (Trois volumes chez Bragelonne).

Fred Saberhagen : le cycle des Bersekers (7 volumes chez l'Atalante).

Je me contente de ces ouvrages là facilement trouvables. Il y aurait sans doute des petites choses notamment au catalogue Fleuve Noir Anticipation, pour ceux qui vont les bouquinistes.

Bandes dessinées

Les aventures Lone Sloane de Philippe Druillet.

Alessandro Jodorovski et Al...
La caste des Métabarons
Les Technopères
Megalex

Attention cette liste n'est pas exhaustive. Si vous voyez des oublis signalez les en commentaires.

mercredi 12 janvier 2011

Les métamorphoses du surhomme européen

Le surhomme européen a - t - il disparu réellement après la guerre ou a- t -il changé de nature ? Sa disparition serait somme toute étrange car l'année 1946 voit paraître un roman de BR Bruss intitulé L'apparition des surhommes....(:-). Boutade mise à part il faut constater que le personnage du surhomme, justicier super scientifique du présent va se muer en personnage du futur. Le développement du space opera chez Fleuve NOir anticipation va - t - être une mine. Nous signalerons notamment le personnage de Bruno Coqdor créé par Maurice Limat. Ce héros de l'espace est vraiment la réponse française au Captain Futur de Edmond Hamilton (connu sous nos latitudes comme Capitaine Flamm). Bruno Coqdor est plus beau, plus fort, plus intelligent, bref c'est un homme supérieur aux autres. Mais de plus il est le télépathe le plus doué du système solaire, le seul à même d'utiliser la télépathie pour communiquer avec une intelligence non humaine. Bruno Coqdor a même un surnom, le Chevalier de la Terre. Mais Limat n'est pas le seul a donner dans ce type de personnages. Les mutants, les cyborgs ou les immortels vont se multiplier. On signalera notamment le personnage de Setni, l'agent spatio temporel de Pierre Barbet. Curieusement cette tradition va survivre jusqu'aux années 90. Un auteur aussi à gauche qu'Ayerdahl va donner vie à la super cyborg Cybione. Serge Lehman va multiplier ce type de personnages, entre Chan Coray et ses implants nanotechnologiques, les immortels comme Hal Garner ou le pathétique Georges Epstein, ou encore le super agent Hamad Aden.
Il y aura moins d'exemple en BD. Nous signalerons tout de même Axle Munshine, héros de la BD le Vagabond des Limbe qui lui aussi possède des marqueurs du surhommes. Il est un super agent doté d'une intelligence supérieure, il pilote un vaisseau qui l'un des deux plus puissants de la galaxie et il a contribué à en créer la technologie.

Chez les Allemands, signalons Perry Rhodan, astronaute devenu immortel grâce à un activateur cellulaire. Son compagnon de route Atlan est un prince humanoide, descendant des Atlantes. Là aussi les mythologies du surhommes, réapparaissent sous de nouvelles formes. Je connais moins les autres nations européennes mais l'Espagne a eu une solide tradition de space opera et il ne serait pas surprenant que ce type de personnage y ait fleuri également.

dimanche 9 janvier 2011

Coup de coeur : Yoon Ha Lee

Yoon Ha Lee fait partie de ces jeunes auteurs francs tireurs de la nouvelle génération américaine. C'est assurément une des meilleures nouvellistes du moment. Elle évolue avec aisance dans la zone grise ou science fiction et fantasy se rencontrent. Sa fantasy a des morceaux de SF, et sa SF a des morceaux de fantasy.
Je l'ai découvert avec Architectural Constants une nouvelle parue dans le webzine de fantasy, Beneath Ceaseless Skies. Il s'agit d'une nouvelle de fantasy dans un décor urbain baroque qui n'est pas sans évoquer China Miéville. Elle est revenu à ce cadre avec The Territorialist où le développe et fait preuve à nouveau d'un talent rare pour camper un univers baroque. Mais sa science fiction est également totalement différente des préoccupations du moment. En effet ce qui lui importe c'est de créer des mythes d'une véritable geste du futur. Ainsi elle évoque la création d'armes probabilistes dans Flower, needle, mercy, chain (Lightspeed magazine) ou alors la vengeance d'une jeune femme dont la planète a été humilié par un empire galactique (ghostweight). Parfois elle écrit des textes plus classiques comme Between two dragons qui évoque les conflits armés sous l'angle de la bureaucratie ou alors sa très belle nouvelle de fantasy the winged city qui dénonce l'absurdité de la guerre.
Elle possède une qualité rare pour un auteur de textes courts. Elle est en effet capable de faire preuve d'un vrai souffle épique. Son passage au roman est vraiment attendu.
Elle va avoir l'honneur prochainement d'une traduction dans la revue fiction. Et ce n'est que justice pour un auteur qui va sans doute être l'un des principaux artisans du renouveau de la SF américaine.

mercredi 5 janvier 2011

Narratif ou non narratif

Une petite réflexion qui me vient de la lecture régulière du webzine professionnel américain Lightspeed Magazine. De plus en plus d'auteurs adopte des formes peu narratives pour écrire de la SF. Si parfois lorsqu'à la base il y a une certaine richesse de l'univers cela donne des textes brillants (comme dans How to be a Mars Overlord de Catherynne M Valente), il faut reconnaître que bien souvent lorsque ce ne sont que des prétextes à développer une idée ce n'est pas bien folichon. Comme dirait Roland C Wagner, c'est pas fun. On se rend compte que l'idée même si elle est brillante ne suffit pas à faire de la grande science fiction. Il manque le coté mythologique qui pour moi est indispensable au genre. Surtout que les auteurs utilisent bien souvent des formes comme le témoignage, le constat ou la tranche de vie, forme éminament banale en fin de compte. Par contre là ou le non narratif peut être brillant c'est quand il revêt des formes comme le faux articles d'encyclopédie, le mode d'emploi, le rapport scientifique, l'article journalistique, le guide touristique... autant de formes que la SF peut allègrement parodier. Là curieusement on retrouve le fun comme dans le texte de Valente déjà cité (qui prend la forme d'un article / conférence) ou la réédition de Ursula le Guin (qui parodie un rapport scientifique sur un sujet passionnant, la linguistique extraterrestre).
On se rend compte aussi que les auteurs traitants du futur lointain se sortent mieux de ce genre d'exercice que ceux qui choisissent le futur proche.