mercredi 10 décembre 2014

Casual reader contre hardcore reader

Comparer le marché des littératures de l'imaginaire à celui des jeux vidéos peut sembler osé mais est finalement assez pertinent. Dans les deux cas l'on a une casualisation du marché.
Comme dans les jeux vidéo les littératures de l'imaginaire ont délaissé certains genres comme le space opéra pas assez formatable dans une démarche de casualisation. Cette casusalisation peut prendre plusieurs formes. Il s'agit ici d'essayer de séduire le grand public ( qui n'existe pas d'ailleurs) et donc rendre abordable  la culture de l'imaginaire  à des publics qui n'y sont pas forcément sensibles au sens large. Cette casualisation a déjà existé par le passé et concernait un nombre d'oeuvres limitées.
L'explosion de la bit lit est liée au désir des éditeurs de pénétrer le marché de la grande distribution. On a utilisé la fantasy urbaine comme cheval de Troie car c'est un sous genre qui développe des intrigues contemporaines proches du consommateur lambda ou plutôt de la consommatrice car ici c'est la ménagère qui est la cible.
Une autre stratégie est de cibler les lecteurs de blanche pour leur faire lire de la SF ou de la fantasy. C'est une stratégie qui a été pas mal développée par Lune d'Encre, notamment en mettant l'accent sur Robert Charles Wilson, auteur qui justement vise un public de casual readers haut de gamme. D'ailleurs ce qui est intéressant avec Lune d'Encre, c'est que quand ils essayent de revenir vers de l'imaginaire plus coeur de cible le succès n'est pas toujours au rendez vous. Comme si l'étiquette casual de la collection suffisait à en détourner une partie des hard core readers.
Mais il y a d'autres démarches dans la casualisation comme la thrillerisation. Utiliser la forme thriller c'est utiliser le langage hollywoodien dominant. Par exemple loin du renouveau du space opéra annoncé, l'Eveil du Léviathan de James A Corey est avant tout un thriller spatial. Récemment le roman, Seul sur Mars de Andy Weir a été proposé par Bragelonne dans sa collection Thriller.
Mais la fantasy n'est pas en reste. On peut écrire de la fantasy épique pour casual readers, ça donne l'épée de vérité de Terry Goodkind. Mais on peut aussi écrire une fantasy plus relevé dans la même démarche de casualisation, et ça donne Le trône de fer de GRR Martin. C'est pour cela que le succède de l'adaptation télévisée de la saga de Martin ne profite pas à la fantasy en général. Parce que c'est de la fantasy pour grand public qui ne cherche pas forcément des mondes secondaires très travaillés, des éléments fantastiques ou imaginaires très développés, ou des grandes batailles, des constructions anthropologiques complexes mais qui se contente d'intrigues politiques tortueuses dans un univers qui reprend à 90 % des éléments du monde médiéval occidental et qui y rajoute 10% d'éléments personnels.

dimanche 7 décembre 2014

Les espoirs de l'imaginaire : Romain Lucazeau

C'est au tour de Romain Lucazeau, auteur ambitieux, habitué des sommaires depuis des années de se prêter à l'exercice. 

1- Peux tu te présenter en quelques mots ?
Je suis né en 1981. J'ai été professeur de philosophie et de science politique. Puis je suis devenu consultant en stratégie. Une bonne part de mon métier consiste à faire de la prospective à moyen ou long terme. Le dernier rapport que j'ai écrit portait, par exemple, sur l'effet de l'automatisation sur le marché de l'emploi français. La SF et la vraie vie se rejoignent parfois un peu.

2 - Comment es tu venu à l’écriture ?
J'ai été, et suis toujours, un gros lecteur de science-fiction et de fantasy. En quittant le monde universitaire, en 2007, je me suis senti libéré d'un certain esprit de sérieux. Puisque je n'étais plus sensé produire des kilotonnes d'articles pédants, je pouvais m'amuser un peu. Mes premiers textes reflètent cet état d'esprit léger : des pochades, comme on les a qualifiées, qui trouvaient preneur – ce dont je m'étonne encore.
En même temps, j'avais le souci de continuer à philosopher, mais par derrière, pour ainsi dire. J'apprécie beaucoup l'œuvre de Julien Gracq, qui faisait de la géographie en catimini, par exemple dans le Rivage des Syrtes, ou Michel Tournier, dont les romans sont truffés de références philosophiques. Je soupçonne Damasio de deleuzisme souterrain, également, en particulier dans La Horde. A partir d'un moment, j'ai également produit des textes plus sérieux, qui cherchaient à mettre en musique, pour ainsi dire, des problématiques philosophiques. J'ai également écrit des commentaires philosophiques de thèmes "SFF", dont la plupart sont parus chez Brins d'Eternité, au Québec.
Il y a une autre influence plus essentielle, qui m'a beaucoup déterminé dans mes choix d'écriture : une conférence donnée par Serge Lehman à Normale Sup quand j'y étais moi-même élève. J'éprouve une admiration sans bornes pour sa conception de la science-fiction comme continuation de la métaphysique. J'y consacre d'ailleurs un article, qui paraîtra bientôt dans une revue, Oscillations.
J'ai assez rapidement récolté quelques prix pour certaines de mes nouvelles, dont les Imaginales d'Epinal, en 2010, ce qui m'a poussé à continuer.

3 - Peux tu nous parler de Latium, le projet de roman sur lequel tu travailles depuis quelques années ?
En 2010, donc, s'est imposée l'idée d'un roman. Il prenait racines dans certains de mes textes courts, en termes surtout d'atmosphère et de références. J'ai écrit une espèce de synopsis en trois mois, et puis, cinq ans après, je suis encore dedans. Il est devenu obèse, et malgré toutes nos séances d'exercice en commun, il ne veut pas maigrir.
Il y a dans ce roman une ambition que j'ai esquissée dans un article pour ActaestFabula, et qui m'a valu des volées de bois vert : la nécessité de ressaisir, au sein des genres de l'imaginaire, un matériau culturel qui est celui, pour faire vite, de la culture classique, à l'opposé des clichés qui verrouillent le genre et le réduisent à une production pour connaisseurs, souvent truffée de second degré ou de clins d'oeil.  

Le roman se déroule après l'extinction de l'humanité, qui a laissé derrière elle des intelligences artificielles – rendues folles par la disparition de leurs maîtres et créateurs. Mes personnages sont des êtres cornéliens, soumis à une programmation d'airain et en même temps rongés par des désirs de liberté et de quiétude. Leur univers est un mélange de space-opera débridé  et d'antiquité grecque et latine. Ce sont des princes et des princesses du théâtre classique transplantés dans l'espace, en somme.

4 - Quels sont tes autres projets littéraires ?
Prendre des vacances littéraires, après avoir terminé ce pavé.

Produire une série de nouvelles sur l'univers de Latium. Ecrire un autre pavé, qui aura pour titre Urbs.

mardi 2 décembre 2014

Les espoirs de l'imaginaire : Solenne Pourbaix

1- Peux tu te présenter en quelques mots ?
Je n'aime pas parler de moi. J'ai bon là? Ca marche comme présentation? Plus sérieusement: Solenne, 29 ans, 1m70, poil soyeux et truffe humide.... Non ok, je sais vraiment pas quoi dire...
2 - Comment es tu venue à l'écriture ?
Au risque de paraitre très pédante, c'est parce que je m'ennuyais dans mes lectures. Je ne trouvais que des choses stéréotypées à mort. Femmes fragiles à sauver, méchants contre gentils... J'étais très frustrée, alors je me suis dis un jour "tiens, au lieu de rêver des trucs dans ma tête, je vais les écrire". Je l'ai fais. Puis j'ai fais lire aux copains. Puis à d'autres gens. J'ai été conseillée, encouragée, j'ai commencé à me dire que peut-être il serait de bon ton de m'y mettre sérieusement au lieu de travailler en improvisant chapitre après chapitre et c'était parti. La machine était lancée. (j'en profite du coup pour remercier Tony Beaufils, de Naheulband et Qantice, qui m'a été d'un grand soutien et d'une aide précieuse!! Tony, si tu nous regarde... *clin d'oeil et doigt pointé vers l'écran* )  Après, si je me suis acharnée là dedans, il y a deux raisons. La première, d'un pragmatisme décevant: j'avais le temps; la deuxième: mes histoires semblent plaire à des gens, alors si en plus de me faire plaisir, je peux faire plaisir, c'est tout bénèf!
3 - Tu vas bientôt publier un roman chez Rivière Blanche, "les promesses d'Atro City". Peux tu nous en parler ?
Alors Les Promesses est, justement, mon tout premier roman écrit "sérieusement". C'est l'histoire de Jan (prononcer "Yan", merci pour lui), un combattant dont le fils a été pris en otage par un dirigeant puissant d'une ville post-apo. Ledit dirigeant, André Auguste, dit, "l'Auguste Auguste", lui promet de lui rendre son fils si Jan travaille pour lui. Il va donc devoir travailler pour ce charmant monsieur et emmènera le lecteur dans un monde détruit, reconstruit, et peuplé de gens bien... et de sacrés cons aussi! C'est une histoire d'aventures, d'aventure aussi, où j'ai voulu briser quelques codes.
4 - Tu as actuellement en chantier un roman de fantasy dans l'univers de la piraterie ( dont on peut lire le premier chapitre sur ton blog). Est-ce que tu peux nous présenter ce projet ?
Ce projet, pour le moment sans titre (oui, non... "romanpirates.doc" ça compte pas) est une sorte de... Euh... Melting pot de genres. Si ça se présente à première vue sous un genre de roman de pirates classique (avec des bateaux, du jargon qui donne le mal de mer et de l'alcool), j'y ai ajouté une dimension féérique. En effet, les humains cohabitent avec des êtres élémentaires, les Faes. Il y a les Pyros (feu), les Aquariens (eau), les Isha (terre), les Eols (air) et les Séléniens (lune). Nous allons suivre Mahalia, une humaine qui tente visiblement de fuir quelque chose ou quelqu'un à bord du Fantôme, vaisseau à la renommée sombre, et hommage non dissimulé à mon livre de chevet "Le Loup des Mers" de Jack London. Comme dans les Promesses d'Atro-City, il y aura pas mal de voyages, mais un peu plus de magie.
5 - Quels sont tes autre projets littéraires ?
Ho pas grand chose... J'ai quelques trucs qui trainent dans mes tiroirs:
-Une trilogie fantastique/aventures qui défonce un peu tous les codes du genre aussi.
-Un roman fantastique/horreur (je cherche quelqu'un pour les corrections afin de l'envoyer à des éditeurs d'ailleurs...) qui se passe dans un monde contemporain, inspiré du jeu de rôle Kult.
-J'ai aussi un recueil de nouvelles horreur/zombie qui cherche un éditeur pour l'adopter.
-Et aussi un roman Heroic Fantasy a retaper (le premier truc que j'ai écris... Mais cette fois, en version travaillée et avec un peu plus d'XPs dans ma compétence "racontage d'histoires").
-Bon pis des nouvelles à droite à gauche...
-Et un projet (bon du coup c'est moins littéraire) de murder (sorte de mini jeu de rôle grandeur nature) que j'écris en collaboration avec mon compagnon.
-AH OUI! Et j'ai aussi une BD débile (loin de la glauquerie de mes textes) tout en bonhommes bâtons où je raconte (à peu près... Hem) ma vie ultra captivante. A ma grande surprise, les gens aiment bien. Je l'ai, avec une imagination incroyable, appelée "BD bâtons" et on peut suivre ça sur la page facebook appelée, devinez comment, lecteurs, lecteuses... "BD bâtons"... Heeee oui!! Et... -Ah non, pas de nouveau tiret, c'est tout!